De ce peintre probablement d’origine flamande, peut-être liégeois comme le suggère son patronyme, nous savons très peu de choses. Il était assez étroitement lié au milieu de la Cour et...
De ce peintre probablement d’origine flamande, peut-être liégeois comme le suggère son patronyme, nous savons très peu de choses. Il était assez étroitement lié au milieu de la Cour et de la manufacture des Gobelins.
Sa production révèle un peintre qui a dû être comblé par la demande des particuliers au point de ne pas tenter l’aventure académique, et ce, en dépit des liens d’amitié.
Les tableaux de Paul LIÉGEOIS révèlent l’influence de Lubin Baugin (Pithiviers 1612 – Paris 1663), de François Habert (actif à Paris au milieu du XVIIe siècle), et de Willem Van Aelst (Rotterdam 1627 –1683).
De Lubin Baugin, Paul LIÉGEOIS retient la simplicité de ses dispositifs et les fonds très assombris. À la façon de François Habert, Paul LIÉGEOIS s’attache en revanche à rendre les nervures des feuilles, les gouttes d’eau, les perles de sucre que la prune ou la figue secrètent, comme autant d’ouvrages de fil d’or, d’argent ou de verre entrelacés1.
Chez Van Aelst, Paul LIÉGEOIS trouve en revanche un déploiement de la composition plus discursif, plus aisé et, pendant un temps, ses étalages de fruits auront le caractère délié, nonchalamment élégant des œuvres comparables de Van Aelst. La prédilection pour les velours bleu ou cramoisi à forte connotation aristocratique dont les qualités tactiles sont admirablement rendues par Paul LIÉGEOIS et la fascination pour les effets métalliques du feuillage sont des caractères très précisément vanaelstiens que le nôtre fait siens et qu’il pratiquera longtemps. Pourtant les natures mortes aux fruits de Paul LIÉGEOIS naissent moins d’une adéquation de son travail à celui de Van Aelst que de la mise en œuvre d’une pensée commune que les deux peintres élaborent étroitement ensemble. La preuve en est dans le fait que les natures mortes de fruits comportant quelques prunes, des pêches, des raisins, disposés à la façon d’une frise au-dessus d’une console de marbre en partie recouverte d’une draperie que Paul LIÉGEOIS et Van Aelst réalisent entre 1649 et 1655, ne sont plus peintes par Van Aelst après son départ de Paris.
DESCRIPTION ET ANALYSE STILISTIQUE DU TABLEAU
Quelques abricots et quelques prunes sont groupés au-dessus d’une console recouverte entièrement d’un velours rouge rubis. Des feuilles de figuiers et d’abricotiers viennent se mêler aux fruits de façon à leur offrir comme une parure de verdure. Le peintre a cadré de près son objet de sorte que draperie, fruits et arrière- plan insistent sur l’horizontalité de la composition à laquelle seulement le feuillage apporte une forme de respiration par son ondoiement léger. De même, seules les brindilles de l’abricotier, les nervures des feuilles et les gouttelettes d’eau suspendues à leurs lames vertes et accrochant la lumière occasionnent une vibration tenue à une palette toute cernée de mauves, de rouges sombres et d’oranges assourdis, tandis que nul rayon de lumière transperce le brun de l’arrière plan.
Stylistiquement la toile ici examinée s’apparente à la production de Pierre Dupuis (Montfort-l’Amaury1610 – Paris 1682) datant des années 1660, par l’aspect minéral exhibé par le feuillage2, qu’en effet Paul LIÉGEOIS ne pratique pas dans les toiles qu’on peut dater de la fin des années 1640 où le dialogue avec le Van Aelst parisien est plus sensible3. Notre tableau révèle, en effet, plus profondément l’influence de Louise Moillon (Paris 1609 – 1696) d’une génération cependant plus ancienne que la sienne. Cette influence est décelable dans la plastique vigoureuse et la fermeté du dessin des abricots, dans le poli de pierre dure de chaque fruit. Enfin, ceci se perçoit dans la singulière façon, à la fois synthétique et précise, dont les pédoncules se nouent les uns aux autres sans s’encombrer d’une description trop réaliste. Il omet les mousses, nœuds et champignons qui les recouvreraient, pour laisser au regard le loisir de s’abimer dans la ligne pure qui les dessine et dont le but est d’emprisonner le rayon qui l’éclaire. Celui-ci tombe de face comme si ces quelques fruits étaient là de toute éternité dans une sorte de nuit qu’une porte entrebâillée dissoudrait tout à coup révélant de la composition arêtes et lignes de forces.
ŒUVRES EN RAPPORT
Les œuvres de Paul LIÉGEOIS que l’on peut rapprocher de la toile ici examinée appartiennent en effet à cette période plus tardive. Citons le Plat de pêches, poires et champignons, signé et daté 16664 ; la Corbeille remplie de prunes, abricots et champignons5 et la nature morte à la Corbeille de fruits, pommes, racines et champignons du musée de Chambéry6.
Citons aussi la Nature morte à la corbeille d’abricots, fruits, melon et draperie cramoisie7 et la très belle série de trois petites toiles, dont deux signées, récemment passées sur le marché8.
1 Citons par exemple de François Habert, Nature morte au bouquet de fleurs, gobelet de porcelaine, luth et pièces d’orfèvrerie, signé et daté Franciscus Habert. F./1652, huile sur toile, h. 135 cm x l. 165 cm, Vente Sotheby’s, Paris, 23 juin 2011, lot 44.
2 Citons notamment de Pierre Dupuis, Branche d’abricots, vase de porcelaine et coffret, huile sur toile h. 119 cm x l. 84 cm,
Agen, musée des Beaux-Arts ; la Nature morte au choux, artichauds et branche d’abricots, huile sur toile h. 104 cm x l. 79 cm, Avignon, musée Calvet.
3 Citons de Paul LIÉGEOIS par exemple les Prunes, pêches et raisins sur un tapis bleu, signé P. Liegeois, huile sur toile h. 44 cm x l. 53 cm, Collection particulière, dans Éric COATALEM, La nature morte française au XVIIe siècle, 2014, p. 236, reproduit ; ou la nature morte aux Pêches et raisins sur un tapis bleu, signé, huile sur toile h. 44 cm x l. 53 cm,
Collection particulière, dans Éric COATALEM, op. cit., 2014, p. 238, reproduit.
4 Paul LIÉGEOIS, Plat de pêches, poires et champignons, signé et daté 1666, huile sur toile, h. 73 cm x l. 91 cm, Chypre,
Fondation A.G. Leventis, reproduit dans Éric COATALEM, op. cit., 2014, p. 235.
5 Paul LIÉGEOIS, Corbeille remplie de prunes, abricots et champignons, huile sur toile, h. 85,5 cm x l. 73,5 cm, marché de l’art, vente Sotheby’s New York, 24 janvier 2008, lot 67 ; voir Claudia SALVI, D’après nature. La nature morte en France au XVIIe siècle, 2000, p. 84, reproduit.
6 Paul LIÉGEOIS, Corbeille remplie de fruits, pommes, racines et champignons, huile sur toile, h. 65,5 cm x l. 91 cm, Chambery, musée Saroisien, reproduit dans Claudia SALVI, op. cit., 2000, p. 84.
7 Paul LIÉGEOIS, Nature morte à la corbeille d’abricots, fruits, melon et draperie cramoisie, huile sur toile, h. 40 cm x l. 70 cm, Vente Million & Associés, Paris, 15 décembre 2020, lot 4.
8 Paul LIÉGEOIS, Prunes, pêches et raisins posés sur une pierre, signé LIEGEOIS, huile sur toile, h. 48,30 cm x l. 59,90 cm, Vente Christie’s, Londres, 26 janvier 2022, lot 155 ; Prunes dans une corbeille en osier, huile sur toile, h. 28 cm x l. 36 cm, lot 156 ; Prunes et raisins, signé PAUL LIEGEOIS, huile sur toile, h. 27,30 cm x l. 34,80 cm, lot 157.
9 Michel FARÉ, Le Grand Siècle de la nature morte en France. Le XVIIe siècle, 1974, p. 74. L’historien cite l’inventaire après décès de Boyer de Foresta de Bandol, président de la cour de compte de Provence, dressé le 26 novembre 1672 ou de Simon Lenfant, conseiller au parlement d’Aix, dressé le 17 mars 1683 sans toutefois donner la source de ces mentions.