Inédit, ce petit portrait s’inscrit très naturellement dans la production tardive de l’un des portraitistes les plus illustres de la Renaissance française. Désigné dans le document de l’époque sous le...
Inédit, ce petit portrait s’inscrit très naturellement dans la production tardive de l’un des portraitistes les plus illustres de la Renaissance française. Désigné dans le document de l’époque sous le nom de sa ville natale de La Haye, il est resté ensuite connu comme simplement « Corneille » jusqu’à ce qu’André Félibien qui le croyait originaire des bords du Rhône, ne lui accole le nom de Lyon dans l’index de ses Entretiens. Né et formé aux Pays-Bas et probablement en Flandre, l’artiste s’est installé à Lyon depuis au moins 1533. Il s’y est fait l’héritier de Jean Perréal, portraitiste de Charles VIII et de Louis XII célèbre pour ses portraits intimes à fonds colorés. Dès le milieu des années 1530, la renommée de Corneille est telle qu’il se retrouve à peindre les courtisans qui accompagnent le roi à Lyon et même les Fils et les Filles de France. Contrairement à Perréal, sa carrière n’est cependant pas celle d’un artiste royal suivant la cour. Il ne quitte pas Lyon et ses titres de « peintre du Dauphin », puis « peintre et valet de chambre ordinaire du roi » sont purement honorifiques, lui permettant surtout de jouir des privilèges des officiers royaux. Les notables de Lyon, les riches marchands français et étrangers, les grands officiers royaux, les bourgeois aisés et les magistrats constituent l’essentiel de sa clientèle. Corneille crée pour eux des portraits de petites dimensions, réalisés en quelques séances de pose directement sur le panneau. Destinés à la famille et à l’entourage proche, ces œuvres n’avaient aucune diffusion officielle et n’existaient qu’en un seul et unique exemplaire, à l’inverse des portraits des nobles dont Corneille tirait souvent des répliques destinées à largement circuler.
Le modèle de ce portrait n’est pas un gentilhomme, malgré sa richesse évidente. Son habit est sobre, brun noir, dépourvu de tout ornement, taillades ou pierreries. Le ruché blanc de sa chemise n’est pas empesé. Sa toque haute à la mode des années 1550-1560 n’a pas de plumet, prérogative de la noblesse puisqu’apparenté aux plumes qui ornent les casques des chevaliers. L’homme possède toutefois une fortune certaine dont attestent le manteau fourré de martre aux larges revers et une imposante chaîne en or à trois rangées qu’affectionnent les Flamands et dont le médaillon est coupé par le cadre. Il s’agit très certaine d’un marchand prospère, soucieux de témoigner de sa réussite et de conserver la mémoire de ses traits pour sa famille. L’absence de toute inscription au revers donnant le nom du modèle rend son identification absolument impossible, puisqu’il ne peut exister aucune réplique ni gravure.
Malgré les restaurations anciennes, notamment dans le visage et le fond, les caractéristiques propres à l’art de Corneille s’affirment ici avec force, telles que le dessin approximatif de l’oreille, les épaules tombantes qui font paraître la tête légèrement disproportionnée par rapport au buste, les cheveux traités un par un, les iris brillants traversés par un rayon de lumière oblique, la touche plus large dans le vêtement.
Ce portrait s’inscrit très naturellement dans la production tardive et autographe de Corneille. Le modèle est un riche marchand de Lyon, sans que rien ne permette de l’identifier.
Ce portrait sera inclus dans le catalogue raisonné de l’oeuvre de Corneille de La Haye dit de Lyon en préparation.